Par Philippe Martin
Depuis sa parution (1989 en italien, 1992 en français), Le sabbat des sorcières de Carlo Ginzburg est devenu une référence. L’auteur y scrute les origines de la croyance au sabbat, entre aveux extorqués sous la torture et manifestations d’une culture profonde bien dissimulée. Cet habile entre-deux est l’occasion d’une relecture du phénomène de sorcellerie entre le XIVe et le XVIIe siècle. Il débute son enquête vers 1321, fin du beau Moye Âge et naissance du complot des lépreux et des juifs ; l’Europe va bientôt être ravagée par la peste et la traque de boucs émissaires fera rage. Il la referme avec le déclin de la chasse aux sorcières. Ce livre est également une leçon méthodologique qui incite à dépasser les frontières disciplinaires et à user de la théorie de l’importance des traces qui se découvrent dans les archives, l’art ou les légendes ; aussi bien dans l’histoire de Cendrillon que dans les actes des juges. Carlo Ginzburg pense deviner dans la sorcellerie, le vol des sorcières sur les balais ou leur transformation en animaux la survivance de rites chamaniques ou de croyances en Diane. Le sabbat serait la confluence de mythes, « un noyau narratif élémentaire [qui] a accompagné l’humanité pendant des millénaires » (sic p. 397). La réédition, format poche, de ce classique, enrichi d’une postface, est toujours stimulante.
